Après la révocation de l'édit de Nantes, Les protestants étant réputés avoir disparus du royaume de France ... plus de cimetières dédiés, pas d'accès aux cimetières paroissiaux . Une seule solution : l'inhumation dans une partie de leur propriété ou de celle d'un propriétaire accueillant.
Mais les témoignages directs n'abondent pas ou du moins ils ne sont pas faciles à trouver. Il faut donc fouiller les actes notariés et, au détour d'une liasse, entre un contrat de mariage un partage ou un arrangement , on peut trouver un acte de notoriété décrivant les conditions d'inhumation d'un défunt.
C'est ainsi que Jacqueline Quartararo-Desré a photographié et transcrit un acte établi par Me Terrière (archives départementales des Deux-Sèvres cote 3 E 1456 du 4 septembre 1772 )
Vous allez me dire que 1772 ce n'est pas exactement au lendemain de la révocation de l'édit de Nantes et qu'il y a déjà de longues années que des permis d'inhumer sont délivrés par un juge police ou un procureur des lieux (cf déclaration du Roy du 9 avril 1736 article XIII) ... oui mais une étude attentive de l'acte, et quelques recherches plus tard, l'inhumation qui y est décrite peut être datée du second semestre 1706.
Le défunt, Daniel Monnet , était maître tuilier à Argentière paroisse de Prailles . Cette information se trouve dans le contrat de mariage de sa fille Marie Monnet avec Hélie Magneron . Daniel était aisé puisque la dot de sa fille s'élève à 1200 livres ! Ce contrat, établi par Me Jacques Deparis ( archives départementales des Deux-Sèvres cote 3 E 781) est signé le 4 octobre 1706 : il contient deux précieuses indications : Daniel Monnet est alors décédé et un premier contrat avait été établi par Me Deparis en Juillet sans nul doute avant le dit décès.
Dans l'acte de notoriété on trouve une autre information permettant de confirmer la date du décès : sa fille Marie a sollicité en vain le curé Paslin, prêtre de Prailles pour l'inhumation [en consultant le registre paroissial ( archives départementales des Deux-Sèvres E dépôt 158 / 2 E 212-1 ) il remplace le curé Herbert en Juillet 1706]. Daniel n'avait pas renié sa foi n'ayant pas reçu le curé pendant sa maladie.
L'inhumation décrite dans l'acte de notoriété a donc eu lieu en 1706, entre Juillet et octobre, dans un verger d'un quart de boisselée (environ 400 m2) appartenant à la famille.
Le petit-fils de Daniel, Pierre Magneron, demeurant au Clouzeau à Prailles, a demandé la rédaction de l'acte sans doute pour des droits de succession : rien ne prouvait le décès, antérieur à la déclaration de 1736, le permis d'inhumer n'avait pu être demandé et il ne figurait pas au registre paroissial.. Les témoins sont connus : Samuel Guerry qui demeure à la Fontauzelière à Souvigné appartient à la famille Guerry de la Grange d'Oiré qui fut qualifiée d'opiniâtre. Il est présent à la signature du contrat de mariage Magneron-Monnet en 1706 avec son père Pierre et son frère Pierre. Il écrira d'ailleurs une supplique pour l'inhumation de son épouse Catherine Mautenu le 1er février 1757 (archives départementales des Deux-Sèvres cote 10 B 33). Marie Allard est vraisemblablement l'épouse de Jean Gilbert, fille de Abraham Allard et de Suzanne Marie Dugleux.
Le hasard fait qu'un autre acte de notoriété concerne une inhumation toujours dans la paroisse de Prailles : la photographie et la transcription établie par Pierre Baudou, ancien instituteur qui fut entre autres en charge des relevés d'actes au sein du cercle généalogique des Deux-Sèvres, est visible sur le site de Élise et Guy Vidal .
L'acte établi par Me Jacques Deparis est daté du 25 janvier 1708 (archives départementales des Deux-Sèvres cote 3 E 782) : il concerne Pierre de Saint Martin, "restorateur de corps humains", décédé au Vigneault paroisse de Prailles "le dix-neuvième février de l'année que l'on comptait 1693 sur les six heures du matin ... et que le même jour bien tard" il fut inhumé "dans une vigne pour lors à lui appartenant appelée vigne du Vignault ... proche la métairie de Monteuil ...". Un lieu isolé sur les coteaux du Lambon côté Prailles et à deux pas du pont des Touches, proche des lieux d'habitation des Marché, des Migault ... Les témoins sont de la parentèle du défunt et ils étaient comme lui présents à l'assemblée de Grand' Ry en 1688.
Ces actes sont la preuve tangible des inhumations sans cérémonie qui étaient imposées à nos ancêtres qui n'avaient pas voulu renier les foi .